La fameuse sortie de la marina de Lisbonne !
Quel stress surtout ne plus toucher les bords ! 100% adrénaline lorsqu'il faut ressortir un catamaran de 12 tonnes tout neuf de 7.70m de large, que l'on connait à peine, d'une écluse dont les bords, à peine à un mètre de chaque côté, vous ont ripés à l'entrée (l'écluse s'est déplacée ;-) ) tout en risquant un coup de vent ou un mouvement d'eau comme à l'entrée.
Comment s'y prend-on ?
On va faire pipi pour évacuer un peu de stress avant le départ (ça évite les accidents ultérieurs).
On écoute attentivement les explications du marinero, très instructives, transmises en anglo-portuguais et réceptionnées en anglo-français car le marinéro connait son écluse de M... . Bref, on tente de comprendre.
On applique et on improvise.
On fonce, lentement, et on ne se retourne pas.
On identifie les symptômes relatifs à la crise cardiaque ou à la syncope en cours d'instance et on espère que "ca va daler, râte, fèle, ayé abie".
On constate que l'on a réussi le passage (comprendre selon les circonstances le sage...pas si on réussi ; mais le pas...sage du tout si on griffe la carrosserie)
Si on a réussi, un certain sentiment de fierté pour le Capitaine, disons plutôt dans mon cas, la réparation de la touchette à l'entrée.
Vite s'éloigner des obstacles pour reprendre la mer … le large.
Petits conseils pour les manœuvres en douceur en catamaran en lieu étroit :
Envisager, si possible, le passage étroit au moment de l'étale de haute ou basse marée (mieux vaut attendre quelques heures que de vous faire dévier par la marée et toucher les bords par une mauvaise manœuvre improvisée).
Placer ses pare-battages (un ou deux de plus du côté opposé au vent, sans négliger l'autre).
Placer le safran à l'angle zéro (position droite). Bloquer fermement la barre avec la molette centrale (fermement pour qu'elle ne se débloque pas au milieu du passage).
Se positionner parfaitement face au passage et sur la trajectoire idéale.
Profiter d'un faiblissement de vent pour se lancer.
Mettre les 2 moteurs en avant, navigation lente, toujours garder une erre.
Si le catamaran dévie, réduire un seul moteur (réduire le moteur du côté où l'on veut aller; donc l'inverse du bord qui se rapproche pour corriger la trajectoire). Ne JAMAIS inverser les deux moteurs (car c'est trop violent).
Quand vous sentez la finale ou si vous êtes parfaitement sur votre trajectoire idéale, deux moteurs gros régime.
Reprendre de la barre ou continuer au moteur lentement selon les besoins.
Agréable navigation entre Lisbonne et Setubal
Nous passerons une première nuit à la sortie du Tage avant de faire une journée à la voile jusque dans le fleuve Sado à Setubal. Nous profiterons des rives pour faire notre première sortie "plage" depuis Orion. L'eau est encore fraîche !
Fin de la côte ouest et passage du Cap Saint-Vincent
Après Setubal, nous longeons une côte rectiligne, nous apercevons beaucoup de spots de surf. Nous allons au mouillage successivement à Sines dans l'entrée du port et à Vila Nova de Milfontes où nous passerons une nuit merveilleusement calme dans la rivière.
La sortie au petit matin nous réserve par contre une FAMEUSE surprise: il est 5h00 -Paris s'éveille- départ de nuit au calme, en plein silence, juste les chants mélodieux des premiers oiseaux de l'aurore emplissent nos oreilles comme le flot délicat de l'eau. Une rosée fraiche nous éveille un peu plus. Nous avons programmé notre sortie à marée haute mais quelques hautfonds sont à peine à un mètre de nos quilles.
Thibaut est concentré, silencieux, l'œil rivé sur l'électronique pour louvoyer vers des hauteurs d'eaux plus intéressantes. Cécile est calée à l'avant avec un phare. Elle peine à surveiller les berges, les pontons non répertoriés et les alentours jonchés de branches ou de bouées d'amarrages improvisées par les pécheurs indigènes qui nous obligent à corriger immédiatement notre trajectoire pourtant précise.
Comme un habile crocodile au milieu de l'embouchure du Rio MIRAN, Orion progresse, lentement, silencieusement. L'allure est modérée. Nous sommes dans une passe entre deux cailloux. Ca sent l'embuscade, l'attaques des indiens au fond du canyon ou le coup de l'entonnoir... Cécile le voit venir, elle revient de l'avant et rentre près de Thibaut au poste de barre.
"J'ai peur d'être mouillée, il y a une grosse vague, elle a l'air est énorme" . Thibaut, relève la tête. Hooo, merde, Cécile a vu juste. Soudainement, face à nous, 6 déferlantes de près 3 mètres de haut ! A n'y rien comprendre. D'où viennent-elles ? Impossible de se sauver, nous sommes au bout de l'entonnoir. Il faut les affronter. Moteurs à plein régime pour ne pas nous faire rabattre sur les cailloux latéraux, nous gagnons en vitesse et nous redressons le nez d'Orion. Nous sommes face à face. Ca passera mais ça va secouer. A peine accroché qu'un vacarme énorme retenti dans le carré du bateau. On est bien en plein dans la bagarre et ça reprend à six reprises ! Six monstrueuses vagues qui nous mettent en garde dès l'aurore. Nous gardons le cap et une bonne vitesse. Les chocs sont brutaux et effrayants mais Orion s'en défend. N'ayant même pas eu le temps d'avoir peur, nous revoilà déjà bercé par la houle! Orion a gagné.
Après un certain temps, nous nous remettons de ce réveil musclé. L'heure est aux constatations: le bateau a été fortement secoué. Encore un verre de cassé (on finira par boire à la bouteille; Haddock avait raison) et une raclette aussi. Tout est déplacé ou renversé dans le bateau, c'est le chahut. Mon café du matin jonche le plancher entourant la cafetière et ma tasse, encore en balancement comme si elle se moquait de moi.
La navigation sera la bienvenue pour remettre un peu d'ordre dans tout cela.
Le Cap Saint-Vincent sera facile après ce début de journée : passage à la voile par un bon vent. On est content de nous et de nos aventures. Quel parcours encore accompli jusqu'ici ;-)
Merci pour ce début de 2e étape mouvementé. Annick et moi vous embrassons, à bientôt !